Le silence

[roland]

Bonjour,

Un sujet, peut-être nouveau, qui, peut-être, en interrressera certains: le rapport musical au silence.
J'ai la conviction profonde (et c'est d'une certaine logique) que la musique (et donc la musicalité) n'existe que par rapport au silence.
Et je pense que, techniquement, que ce soit à la contrebasse ou avec tout autre instrument, c'est la maîtrise du silence qui est la chose la plus difficile.
J'ai toujours beaucoup de mal avec les musicos qui "remplissent" même si le remplissage est techniquement irréprochable.
Qu'en pensez-vous?

[Bassrol]

Très heureux de connaitre l'existence d'un Roland qui sait écouter le silence.
Je t'envoie volontiers un echo silencieux.
Un autre Roland !

[lobass]

Hello
Pour moi, le silence est a la musique, ce que les freins sont a la vitesse !
Ils semblent incompatibles.....
Pourtant mieux tu freines et plus tu vas vite !!
A+, Laurent.

[roland]

Laurent, bonsoir.
Je suis très impressionné par ton travail... et assez d'accord avec le fait du frein comme élément d'accélération.

[lobass]

Merci Roland...
Pour en revenir au sujet... du silence, j'aime "glisser" vers l'idee du minimum dans la musique
Non pas QUE parce que je ne suis pas bien bon techniquement, et en plus tres feignant !
Mais juste parce que ca me semble etre une clef de reussite.
Certains morceaux atteingnent un niveau d'emotion dement, juste parce que les mecs colle la bonne note au bon moment. Ca m'impressionne beaucoup ca !!!
Je trouve ca d'autant plus vrai dans les lignes de basse

Un exemple que j'adore (desole l'intro est franchement trop longue)
http://fr.youtube.com/watch?v=cVuaXA1Njj8

A+, Laurent.

[timo]

Alors moi, j'ai tendance à voir la musique comme une sorte de langage et un musicien qui joue comme quelqu'un qui raconte des choses à son public. (Oui, c'est galvaudé mais je ne vois pas de meilleure comparaison.)

Le silence a donc pour moi dans la musique une place tout à fait similaire à celle qu'il a lorsque nous parlons (ou déclamons, ou récitons). Il est généralement nécessaire, et il peut être utilisé à des fins diverses (respirer , laisser le temps à l'auditeur de comprendre, penser à ce qu'on va dire, attirer l'attention etc...)

Donc, si on imagine quelqu'un qui parle très vite sans laisser d'espace, il a intérêt à dire des choses bigrement intéressantes, sinon c'est insupportable. Mais les gens qui ont beaucoup de choses bigrement intéressantes à raconter, c'est rare, mais ça existe... D'un autre côté, il existe bien des musiciens qui sont comparables à quelqu'un qui ne ferait que réciter l'alphabet très très vite dans tous les sens.

Après, je ne sais pas si c'est la chose la plus difficile à maîtriser. Il est certain que c'est très important, mais je crois que ça fait partie d'un tout, qui serait d'arriver à dire tout le temps des choses qui ont du sens, et pas du charabia. Avec tout le silence qu'il faut pour que de belles paroles ne se transforment pas en logorrhée indigeste.

C'est un autre sujet mais on peut aussi interpréter la question des silences de manière bassement technique et remarquer que pour jouer une phrase rythmiquement complexe, une manière d'être vraiment en place est de "jouer" les silences comme s'il s'agissait de notes comme les autres, juste silencieuses. Exemple tout simple, quand on joue une bête pompe I-V, il y a plein de cas où ça groove beaucoup plus quand on joue (dans une mesure) "noire - soupir - noire - soupir" plutôt que "blanche - blanche". Car souvent, quand la basse joue (oui, joue !) les soupirs sur les temps faibles, un autre instrument (caisse claire, guitare, piano, etc) fait quelque chose d'important. Donc on marche le moins sur les pieds des copains en jouant de vraies noires qui durent un temps, et pas des noires-pointées-et-des-patates. Et pour jouer de vraies noires, la solution la plus simple est de "jouer" des soupirs entre les noires, comme ça on est sûr que les notes sont arrêtées quand il faut.

[roland]

Bonsoir ou bonne nuit Timo,

Je suis bien d'accord avec toi sur la fonction du silence: il s'agit de laisser de la place à l'interlocuteur pour qu'il comprenne ce qu'on lui dit, que cela fasse du chemin dans sa tête, ... Ce n'est pas, à mon avis "galvaudé" que de penser la musique comme un discours, un dialogue. Nous avons toujours des interlocuteurs: les autres musiciens, le public, ... Globalement, tant en paroles qu'en musique, et sur une ligne de temps différente (une mesure, c'est parfois très court), c'est important de s'arrêter pour "sentir" si ce que l'on fait, dit, exprime à du sens, s'il y a un feed back ...

[olive]

C'est souvent une question que je me pose, et en définitive si le silence était le "tout", un peu version TAOISTE, et que la musique une simple ponctuation de celui-ci, peu importe sa forme, discursive,avec le sens qu'on y met, exploration de la matière etc.. aujourd'hui je pense qu'il est "l'origine", de façon un peu sacrée ou sacralisante, et qu' on y revient, au silence, pour que la musique prenne ou perde corps.
Quand un morceau se termine, notamment en live, n'existe t-il pas encore dans le silence qui suit, aussi infime soit-il, voire même n'existe t-il pas qu'à ce moment précis ou chacun retient un peu souffle avant d'exulter, musicien et public ensemble, avant même que le silence ne revienne pour engager le morceau suivant ?

Quelque part il est l'énérgie à ce qu'on va donner, tout comme la donnée du tempo ( tellement importante!!), du temps, première brisure/ponctuation/inspiration discrète du silence rassembleur d'individus qui se démènent sur la chaîne du temps,
il est peut-être le temps lui-même, c'est peut-être une approche globale

mais je crois que ça fait partie d'un tout

, mais j'y crois aussi.

à plus

[Patrick MANET]

Je crois que c'est Ravel qui a dit "la musique c'est du silence habilement interrompu".
Je suis un passionné du silence dans la musique. C'est souvent ce qui est le plus difficile à jouer, la preuve, tu mets un métronome, tout le monde le suit sans problème, tu donnes le tempo, tu mets rien, et tu dis : "tout le monde joue la première noire dans quatre mesures", et là personne n'est ensemble
Pareil dans les mises en place, le plus important n'est pas l'endroit où l'on met les notes mais les silences qui les séparent, c'est pour ça que dans une section de cuivres par exemple, les musiciens s'attachent à couper les notes tous en même temps. Idem dans un chorus, ce sont à mon avis les respirations qui donnent toute l'émotion à une phrase.

[timo]

Deux citations me viennent à l'esprit :

"N'interrompez pas le silence, sauf si vous êtes certains de pouvoir l'améliorer." (auteur inconnu)

Leopold Stokovski avec un air très sérieux : "Comme le peintre peint sur la toile, le musicien peint sur le silence."
(se retournant vers le public avec l'œil qui pétille) : "Nous, on fournit la musique, et vous, vous fournissez le silence !"

[barbie raj]

J'aime beaucoup ces citations, je les ressortirai en cours
Pour ma part le silence est la chose la plus importante et la plus dure à gérer aussi bien pour des rythmiques que des lignes mélodiques. C'est les silences qui font tout le groove, la manière de les aborder. Le plus dur reste quand même de remplir ce silence sans jouer, ne pas laisser cette idée de flottement dans les silences...

[Maryse]

Pour moi, la peur du silence, c'est la peur du vide.

Mais sinon, vi, un discours musical n'a pas de grandes différences à mon sens d'avec un discours parlé...sauf que je préfère à penser à raconter une histoire que faire un discours (quand j'ai pas le cerveau pétrifié par la peur du vide justement, ou par la gestion de touuuus ces accords compliqués). Et dans toute histoire narrée, il ya des effets de styles (répétitions de bouts de phrases qui scandent le discours au fil de son évolution), des pauses marquées, des pauses incisives, des grands moments de débit, et puis la question de la grammaire "comment articuler cette phrase là avec celle çi", la sémantique. Et le silence fait bien souvent peur, je crois, parce qu'on a l'impression dans ces moments qu'on perd pied, qu'on va se dissoudre dans le grand néant, pouf, et pour éviter ça, on parle on parle on parle... Mais l'abus du silence technique, c'est à dire, un gus qui aurait compris qu'il en faut dans le discours et qui en met de manière artificielle, est aussi chiant que l'abus de notes.

C'est comme tout, quand c'est pas habité, senti....ça devient facilement ennuyeux.

Edit: Enfin bon...je veux dire, tout ça est une affaire de contrastes... le silence ne prend ses titres de noblesse que parce que y'a eu du son à un certain moment.

Aussi.

Non?

[nico13]

ouuééé c'est trop dur de maitriser le silence dans un chorus!! quand je chante je respire , ou quand je suis chez moi entrain de bosser je vais dans ce sens là aussi!! mais alors dès que je suis sur scene et que ca vien a moi de chorusser...cest comme le dit Maryse!! la peur du vide...et ca rempli et ca rempli et ca menerve et ca menerve...
sinon pour le bosser a la maison entre plusieurs petite technique que je me suis trouvé il ya celle là de bien...c'est de jouer sa phrase sur l'instrument et de repondre en imaginant la batterie ou le piano ou ce quon veut a voie haute ou dans sa tete...une question reponse quoi...pas forcement mesurée d'ailleur...voilà c'est un tres bon exercice je crois pour se familiariser avec le silence et respirer!

[leodenim]

Pour moi, la peur du silence, c'est la peur du vide.

+1
Heureux de voir qu' autant de musiciens apprécient le silence En même temps, ce n'est pas facile de "respirer" à bon escient sur un instrument à corde. Quand je chorusse on me reproche souvent de sembler "chercher mes mots", je dois un peu en abuser.

[Ronan]

Pour moi, la peur du silence, c'est la peur du vide.

+1
Heureux de voir qu' autant de musiciens apprécient le silence En même temps, ce n'est pas facile de "respirer" à bon escient sur un instrument à corde. Quand je chorusse on me reproche souvent de sembler "chercher mes mots", je dois un peu en abuser.

C'est bien de travailler les silences... le bavardage est un des pires défauts guettant les jazzmen, surtout chez les soufflants. Pour rester dans le domaine de la contrebasse, je considère NHOP comme un surdoué de son instrument, un monstre de technique, mais je n'apprécie guère comment il tricote de façon ininterrompue, en particulier sur les tempos rapides. Ça ne respire pas, et si un guitariste jouait les mêmes phrases, on dirait qu'il est soûlant, parce qu'un guitariste qui joue beaucoup de notes, c'est banal.