Poursuivi par le démon du bricolage et la succube de la contrebasse, j'ai imprudemment consulté le site de vente Ricardo.ch, l'équivalent suisse d'Ebay, et ai dégotté une mémère pour 80€ en achat immédiat. La photo bien que floue était sympa et le vendeur.... à deux rues de chez moi. Clic!
La surprise était naturellement à la hauteur du prix: la basse revenait de Cuba entièrement éclatée et recouverte d'une bonne couche de peinture glycéro brun chocolat.

Un examen plus approfondi s'avère encore plus négatif: table et fond constitués d'un assemblage de six planchettes de résineux et éclisses en contreplaqué; la touche et le cordier en bois blanc. Tout était décollé et même en forçant on ne pouvait ramener les pièces à leur place.

En décollant l'étiquette de Stradivarius, je découvre l'originale issue d'une fabrique de meubles et d'instruments de musique de Moscou et datée de 1983.Cependant, je garde des souvenirs merveilleux d'un voyage à Cuba où ce genre de basse russe est couramment utilisé en raison de sa solidité et d'un imposant volume sonore.
Comme je bricole depuis quelques années des basses très abimées, celle-là m'a donné l'opportunité d'un chantier complet. J'ai commencé par un décapage chimique de la peinture glycéro, puis du vernis deux-composants d'origine qui était trop moche, travail sale et ingrat!
Pour pouvoir recoller sérieusement chaque pièce, j'ai défonté et détablé, puis rectifié au rabot les bords de chaque pièce afin de pouvoir reconstituer un fond et une table sans forcer, puis j'ai recollé le tout
La graduation de la table étant fantaisiste, je l'ai ramenée aux normes usuelle puis j'ai renforcé chaque joint avec du parchemin. Heureusement, l'hiver fut rigoureux et le printemps pourri!




A ce point, il ne s'avère toujours pas possible de faire correspondre le fond et la table à la couronne d'éclisses qui est trop grande. Je décide alors de la couper au niveau de la pique et de la réduire d'environ deux centimètres. Cela nécessite de refaire le tasseau de la pique, parce que l'ancien n'a pas permis un décollage propre sans risquer de casser les éclisses.



Je recolle ou change au besoin l'ensemble des contre-éclisses

Je recolle le tout et en trichant un peu sur la position des tasseaux des coins et j'arrive alors à refermer la basse sans trop forcer sur la couronne d'éclisses.

Un bon coup de grattoir, puis de papier de verre, une coloration avec un mordant naturel, puis un vernis à l'alcool et la basse prend une allure très particulière; chaque planche réagissant différemment au mordant, elle a l'air d'un parquet rustique: ce n'est pas moche mais peu orthodoxe.
Je bricole un chevalet et fais un premier essai avec des vieilles spirocores.

Résultat catastrophique: peu de son et une vibration désagréable sur le Ré.
Au point où j'en étais, j'ai fait les frais d'un changement de touche, puis l'ai abandonnée à mon luthier (David Höfflin à Genève) qui refait un chevalet, reprend la touche et monte des Evah Pirastri.
Super résultat: La basse a exactement le son que je recherchais pour faire du Jazz Manouche en plein air.
Elle a fait des jaloux aux jams du camping du festival Django de Samois-sur Seine en raison de son volume sonore. C'est agréable de se passer d'ampli sans se casser les doigts! Je poste bientôt une photo de la bête finie!
A vos canifs!