très bon sujet de forum, Timo.
J'enfonce le clou rapport ? Yoann Loustalot : ce qu'on l'on trouve sur son myspace est vraiment app?tissant, merci pour cette découverte, je vais m'empresser d'acheter son album
http://www.myspace.com/yoannloustalot
P.S. Une seule réserve, qui fait allusion ? ce que j'écris plus bas : à mon avis, les qualités d'écriture l'emportent un peu trop sur le talent d'improvisation, que je trouve, disons, "sympa", plutôt pas mal même, mais pas "scotchant" ou "d?ment" (or ces deux qualités sont précisément ce que je recherche dans le jazz : elles sont imp?ratives pour passer la fameuse barrière de la "r?écoute").
Quant au fond du débat : il faut remettre les choses en perspective. En France, dans les années d'après-guerre, on comptait beaucoup plus d'accord?onistes que de saxophonistes. Alors que personne ou presque n'était en mesure de jouer du jazz, le public, avide de tout ce qui venait des USA, s'int?ressait (entre autres) au jazz. Mais il faut bien imaginer le genre de discoth?que que les gens se constituaient alors : les grands boppers, parfois même l'avant-garde de la fin des années 1950, c?toyant le boogie-woogie, le disco-bluesy en 12 mesures, la soupe servie par "Salut les copains", etc.
Les attentes souvent d?cevantes du public, et même du public jazz régulier, ne datent pas d'hier (ex. "faut que ça swing", point). Elles trouvent leur source dans l'explosion de l'industrie culturelle de l'après-guerre, dans ce qu'elle a eu de bon et de moins bon. J'ai souvent remarqué que les baby-boomers n'étaient pas toujours les plus éclairés, ni ceux qui avaient les go?ts les plus s?rs. Mais ils avaient (et ont souvent encore) du pouvoir d'achat, et ont largement aid?, par leurs pratiques culturelles ?clectiques (disques, concerts), à faire vivre une scène jazz française qui, rappelons-le, était microscopique ? ses débuts.
Sur le "marché", donc, ? cette époque, un d?calage favorable (pour les musiciens) entre l'offre et la demande, ce qui a permis ? plusieurs jazzmen français de devenir professionnels, alors même qu'ils n'auraient aujourd'hui aucune chance de faire parler d'eux (je ne citerai évidemment aucun nom !).
Aujourd'hui, une offre culturelle assez dingue compar?e ? celle de la France d'il y a 30 ou même seulement 20 ans, et souvent un brouillage dans le paysage, même dans ce petit milieu (pas si petit que ça) qu'est le jazz français.
En effet, pour pouvoir vivre, les musiciens multiplient souvent les formations et les projets, au risque de devenir illisibles. Ces nombreuses formations, projets et autres "collaborations" me semblent parfois menacer ce qui pour moi constitue le coeur battant du "jazz vivant", ? savoir
l'improvisation. Pour qu'une formation vaille le coup sur le long terme, en album et en concert, il faut au moins un
soliste digne de ce nom. Et reconnaissez avec moi que cet animal se fait rare dans beaucoup, beaucoup trop de formations pourtant lab?lis?es "jazz", entendues ici ou là dans les festivals ou sur les scènes régionales ponctuelles plus modestes (sans parler des bars).
Or, pour qu'un musicien de jazz soit entendu au-delà de son myspace, il faut vraiment qu'il ait des qualités de soliste. Nous autres contrebassistes sommes en partie ?pargn?s par cet imp?ratif, car il est rare qu'on nous demande de tenir le devant de la scène, de "faire le show". On peut rester un bon accompagnateur, sans emmerder ? tout prix son entourage avec ses solos...
Je crois (mais peut-être suis-je trop optimiste), que les solistes qui valent vraiment le coup finissent par être d?couverts et recevoir la monnaie de leur pièce (ex. Brad Mehldau, plus récemment G?raldine Laurent, dans un futur proche, peut-être, Yoann Loustalot !?). Ces "
successful jazzmen" sont, ? bien y regarder, plus nombreux de par le monde que dans les années 1960.
Quant à la France, il faudrait faire la sociologie du milieu jazz avec des outils quantitatifs précis, mais, ? vue de nez, on peut parier que le nombre de musiciens actifs dans le jazz et "vivant de la musique" (donc pas seulement du jazz, et ? quoi il faut souvent ajouter de l'enseignement) est beaucoup plus important que dans les années 1960, 1970, 1980 et même, peut-être, 1990.
Pour conclure : d'un côté, beaucoup plus de monde ? pratiquer, avec un niveau technique pas d?geu (ce qui ne veut pas dire que la magie de l'impro soit toujours l?), de l'autre, beaucoup "d'évènementiel" au contenu culturel flou, beaucoup de "manifestations culturelles", mais sans qu'existe une v?ritable pression du public pour un jazz de qualité.
On en revient au problème de l'?ducation au go?t... Or, n'oublions pas que le jazz p?nêtre de plus en plus les conservatoires de région, et qu'il existe des p?les vraiment dynamiques (ex. Rennes, Nantes). Mais il est clair qu'il faut, aujourd'hui, beaucoup de talent, et un groupe qui tienne la route. Ce n'est pas si fréquent...