Oui bon, là je crois qu'il faut préciser de quoi on parle. Il y a les choses qu'on fait sur scène, et celles qu'on fait chez soi, quand on travaille. Je trouve qu'il est très important de faire une bonne distinction bien nette.
Sur scène, on joue de la musique. On ne pense pas à de la théorie, on ne cherche pas à placer un plan, ou d'autres trucs du genre. On est dans une espèce d'état bizarre, dans lequel on est intensément conscient de la musique, mais d'une manière globale. On laisse l'inconscient s'occuper de toutes les vicissitudes matérielles, les notes, la contrebasse... Pour que ça fonctionne, je crois qu'il faut bien être dans le moment. C'est idiot à dire, mais il faut jouer avec les musiciens qui sont là, et non pas leur version idéalisée qu'on a dans la tête. Il faut laisser la musique apparaître naturellement, et non pas la forcer dans telle ou telle direction, parce que dès qu'on fait ça, elle disparaît. Un truc qui m'aide pour ça c'est de me dire que je ne crée pas la musique, mais qu'elle apparaît à travers moi et il ne faut pas que je lui barre la route. C'est vraiment difficile à expliquer.
A la maison, c'est pas pareil du tout. Là, on utilise tous les outils dont on dispose pour améliorer notre capacité à se mettre au service de la musique. Il faut de la technique, de l'oreille, de la culture, du vocabulaire, etc, etc. Donc on utilise la théorie, les relevés, l'entraînement d'oreille, les exercices techniques, et tout ça.
Après, l'intérêt de faire des relevés dépend de la musique qu'on joue, mais dans celles où il y a une forte tradition orale, comme le jazz, il me semble que c'est une folie d'ignorer cet outil. Tous les musiciens de jazz que j'admire ont intensément relevé, avec seulement quelques exceptions. Alors pour moi, comme je suis très loin d'être une exception, c'est tout vu.