Page 1 sur 2

à propos de "Stanislas"

Publié : 13 janv. 2010, 17:26
par watchoumin
Je viens de parcourir les écrits de musicothérapie de Patrick Manet, lecture vraiment intéressante.
Pour ceux qui n'ont pas encore lu, c'est une série d'articles où notre collègue retrace son travail de musicothérapeute-contrebassiste, par exemple auprès de personnes autistes :
http://www.musicotherapie.org/musicothe ... _stan.html

J'aurais une question à poser à Sieur Manet, et je m'autorise à le faire ici car ce débat peut intéresser de nombreux contrebassistes.
Tu fais à plusieurs reprises allusion aux tonalités et aux modes. Ainsi, tu utilises le Gm pour son côté "émotionnel", et dans une autre séance décrite tu parles du F# myxolidien qui provoque des réactions inattendues auprès de Stanislas.
(moi, le F# ça me tue les doigts :fray: mais bon... ;-) )
Comment expliques-tu les "propriétés" inhérentes à chaque tonalité ? Existe-t-il une systématisation reliant chaque tonalité (ou chaque mode) (ou chaque fréquence?) à des émotions particulières ?
Ces réactions seraient-elles universelles, ou particulières à chaque individu ?
Bref, j'aimerais en savoir un peu plus sur les fondements théoriques de cette pratique.
Voilà, c'est pour lancer un nouveau débat ouvert sur cette question.
Watchoumin

Re: à propose de "Stanislas"

Publié : 14 janv. 2010, 09:16
par simon cb
Salut. à l'époque de la grèce antique, on théorisait de façon plus ou moins heureuse sur tout. Y compris la musique : tel ton : ça nous donnera des générations d'homosexuels... Ce ton est bien pour faire la guerre etc... Une sorte de déterminisme musical des plus douteux.
Après, j'ai appris des choses intéressantes en lisant le bouquin du neurologue Oliver Sachs : Musicophilia paru en 2008 : Il y a des gens qui sont synesthésiques : Ils associent des types d'idées entre elles. genre : Tel jour de la semaine, pour moi, c'est tel nombre etc.... Et des gens associent vraiment une tonalité à une couleur, ou à autre chose. écoutez Petrucciani parler de la couleur verte de Sol Majeur ou de celle gris-bleuté de telle autre. Il ne disait pas cela pour faire son malin. C'était juste que pour lui, invariablement... tel son, c'est telle couleur.
Apparemment, la synesthésie toucherait beaucoup plus de monde que l'on ne pense. Mais peu d'études ont été faites là dessus. reportez vous au bouquin de Sachs pour en savoir plus. Il est assez étonnant.
Je pense, pour ma part, que les différentes tonalités ne peuvent avoir de réel impact sur une personne que si cette dernière a l'oreille absolue. Les gens qui ne l'ont pas seront sensibles à d'autres choses : Le mode du morceau (mineur Majeur ou autre), le tempo, les nuances... Mais une personne à qui on fait écouter un morceau en GM à qui on fera écouter le même morceau en G# le lendemain n'y verra que du feu. Ou du moins, si son ressenti diffère, on pourrait en tirer des conclusions hâtives... Alors que la personne n'est simplement pas dans les mêmes dispositions que la veille, ou qu'il y a une heure etc...

Re: à propose de "Stanislas"

Publié : 14 janv. 2010, 10:17
par Dan
simon cb a écrit :Écoutez Petrucciani parler de la couleur verte de Sol Majeur ou de celle gris-bleuté de telle autre. Il ne disait pas cela pour faire son malin.
Certes non.
Sans remonter jusqu’à Rimbaud (sonnet Voyelles : "A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles, / Je dirai quelque jour vos naissances latentes : / A noir corselet velu de mouches éclatantes..."), d’autres que lui ont été les bénéficiaires de l’audition dite "colorée".
Olivier Messiaen, entre autres.
Les bénéficiaires ou les victimes car chez certains sujets cette « faculté » peut prendre le caractère d’une quasi-obsession extrêmement pénible.

Re: à propose de "Stanislas"

Publié : 14 janv. 2010, 11:27
par watchoumin
simon cb a écrit : Je pense, pour ma part, que les différentes tonalités ne peuvent avoir de réel impact sur une personne que si cette dernière a l'oreille absolue. Les gens qui ne l'ont pas seront sensibles à d'autres choses : Le mode du morceau (mineur Majeur ou autre), le tempo, les nuances... Mais une personne à qui on fait écouter un morceau en GM à qui on fera écouter le même morceau en G# le lendemain n'y verra que du feu. Ou du moins, si son ressenti diffère, on pourrait en tirer des conclusions hâtives... Alors que la personne n'est simplement pas dans les mêmes dispositions que la veille, ou qu'il y a une heure etc...
Si c'est lié à la "reconnaissance" d' une tonalité, alors ce n'est pas ce que je pensais.
J'imaginais plutôt (et sans doute très naïvement) qu'on postulait l'existence d'un "rapport physiologique" entre certaines fréquences sonores et certains états psychiques.
Mais vos contributions me font penser que c'est sûrement plus complexe que ça. Il semblerait que les synesthésies soient singulières : un autre que Rimbaud aurait attribué d'autres couleurs aux voyelles, par exemple.
Encore que : les couleurs sont également des phénomènes vibratoires, et il y a une certaine réalité physique de la notion de "couleur chaude" et de "couleur froide" (je ne rentrerai pas dans une explication réellement physique, mais les scientifiques du forum pourront nous éclairer).
Ex : le rouge est une couleur chaude pour tout le monde.
Ne peut-on imaginer que le Gm soit associée également à une sensation commune, même si la plupart des auditeurs n'identifient pas la tonalité en tant que telle ?

Ensuite ça pose le problème des synesthésies d'une tonalité !
Si la fréquence en hertz de la note Sol produit telle ou telle réaction physiologique, le Fa# (qui est, si je ne m'abuse, le degré sensible de la tonalité de sol) est censé produire telle autre réaction.
Tout ça pour dire que je me demande si c'est une fréquence qui provoque la réaction, ou si c'est une structure de fréquences qui fait réagir (j'entends par "structure de fréquences" qq ch comme un accord, une mélodie, un contrepoint, bref des notes un tant soit peu organisées verticalement ou horizontalement).
Par exemple, pour la plupart d'entre nous, un accord mineur aura une couleur plutôt triste, sombre, alors qu'un accord majeur sera plus ...euh...majestueux ? ou quelque chose comme ça.
Et ceci me semble fonctionner quelle que soit la fondamentale de ces accords, non ?
Bref, est-ce le rapport des sons entre eux ou les fréquences physiques qui provoquent une réaction émotionnelle particulière ?

Autre chose : n'avons nous pas tous une tonalité favorite ? Et si oui, cette tonalité est-elle uniquement liée à des facilités de doigté (allez jouer quelques blues en F#, vous voyez de quoi je parle :fray: ), ou bien cette tonalité favorite peut-elle être liée justement à quelque partie de notre personnalité ?
L'hypothèse d'une tonalité favorite me parait assez plausible, j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Après tout, nous avons déjà des tempi favoris, non ? (Allez jouer quelques grilles de blues à 240 à la noire, vous verrez de quoi je parle :fray: surtout en Db :houin: )

...J'aurais encore plein de questions à poser à Patrick Manet, j'espère qu'il rejoindra ce débat.

Voilà voilà...et je vais me procurer ce bouquin de Sachs qui a l'air bien intéressant.
W.

Re: à propose de "Stanislas"

Publié : 14 janv. 2010, 12:00
par Dan
watchoumin a écrit :Bref, est-ce le rapport des sons entre eux ou les fréquences physiques qui provoquent une réaction émotionnelle particulière ?
C’est une question qui a passionné les théoriciens et les praticiens de la musique de l’époque baroque, en particulier le R.P. Athanasius Kircher, savant et jésuite, auteur de l'énorme traité Musurgia Universalis sive Ars Magna consoni et dissoni (1650).
Quelques liens vers des sites intéressants sur ce sujet :
http://pagesperso-orange.fr/christophe. ... aments.htm
http://www.peiresc.org/bach02.htm
http://chercheursdesons.hautetfort.com/ ... us_kircher

Re: à propose de "Stanislas"

Publié : 14 janv. 2010, 15:20
par timo
watchoumin a écrit :Voilà voilà...et je vais me procurer ce bouquin de Sachs qui a l'air bien intéressant
Dans la même veine, il y a aussi le livre This Is Your Brain On Music de Daniel Levitin que j'ai trouvé passionnant. Je l'ai lu en anglais, mais il a récemment été traduit en français, et il va bientôt sortir sous le titre De la note au cerveau.

Re: à propose de "Stanislas"

Publié : 14 janv. 2010, 19:17
par Maryse
timo a écrit :mais il a récemment été traduit en français, et il va bientôt sortir sous le titre De la note au cerveau.
Fuck... je l'ai acheté ya 3 mois en anglais et je rechigne à lire dans la langue du roi. J'aurais dû attendre... :???:

Re: à propose de "Stanislas"

Publié : 15 janv. 2010, 13:17
par Séb
Maryse a écrit :
Fuck...

Pourtant t'as l'air de te débrouiller en anglais ... :D :

Re: à propos de "Stanislas"

Publié : 22 janv. 2010, 19:06
par Patrick MANET
watchoumin a écrit :j'aimerais en savoir un peu plus sur les fondements théoriques de cette pratique.Watchoumin
En fait comme tu l'as dit, les choses sont plus complexes.
Première chose, il n'existe pas de pharmacopée musicale, tel accord ou telle tonalité pour un effet précis.

Pour faire simple, en musicothérapie on utilise la musique comme un substitut du langage.
Si tu compares avec une psychothérapie conventionnelle, il n'existe pas davantage de liste de mots à employer en regard de tel trouble. C'est l'ensemble de l'échange entre le patient et le thérapeute qui peut être bénéfique.
C'est pour cela également, que dans 99% des cas, on pratique en plus de la musicothérapie réceptive (écoute de musique), la musicothérapie active, où le patient joue avec des instruments adaptés, en duo avec le musicothérapeute ou en groupe en fonction de ce que l'on veut travailler.

Pour revenir à la musicothérapie réceptive, comme dans le langage parlé où le thérapeute va choisir la façon dont il va s'entretenir avec son patient, on va choisir une direction musicale.
L'exemple que je donne souvent : tu conduis la nuit seul, pas de circulation, en fonction de ce que tu écoutes, du Mozart ou du Hard Rock, tu ne conduiras pas pareil.

Le style de ce que l'on va jouer, le tempo, la tonalité, le son, l'instrument, la rythmique, l'articulation et le musicien, bref tout ce qui fait la musique a une influence.

Ce qui fait que d'un point de vue émotionnel, la tonalité de Sol mineur dont je parle sur ces rapports de séances n'est pas la seule en cause pour l'effet que je recherche à ce moment là. C'est parce qu'avec ma façon de traiter cette tonalité sur la contrebasse, je vais faire naitre un climat précis que je pense être le bon. Sol mineur à 300 à la noire nuance ffff joué à la trompette passée dans une pédale distorsion dans le sur-aigu n'aura pas le même effet. :mrgreen:

Re: à propos de "Stanislas"

Publié : 22 janv. 2010, 23:03
par olive
c'est exactement la config du trompetiste du quartet west-coast dans lequel j'officie, j'ai deux mots à lui dire, avec émotion :mac: :mac:

Re: à propos de "Stanislas"

Publié : 23 janv. 2010, 00:11
par Patrick MANET
:mrgreen: :mrgreen: :mrgreen: :mrgreen: :parfait: :parfait: :parfait:

Re: à propos de "Stanislas"

Publié : 30 janv. 2010, 21:43
par benoit
Merci pour les références de l'ouvrage de Daniel Levitin : De la note au cerveau. Je l'ai commandé et suis en train de le lire (en français) : passionnant !

Re: à propos de "Stanislas"

Publié : 29 juin 2010, 15:56
par comakepi
watchoumin a écrit :Bref, est-ce le rapport des sons entre eux ou les fréquences physiques qui provoquent une réaction émotionnelle particulière ?
Un peu plus generaliste mais j'ai trouvé ça dans des cours sur le son:
"L’isosonie concerne la courbe de réponse de l’oreille. En effet, nous ne percevons pas de la même manière les graves, les médiums et les aigus à volumes identiques.
Ce phénomène trouve ses origines à notre petite enfance. Il s’agit d’une certaine culture de l’oreille: le maximum de sensibilité se situe autour de 1000 Hz, ce qui correspond à la voix de la mère perçue alors que le bébé est dans son ventre, puis de sa propre voix. " (ref. http://www.sonorisation-spectacle.org/p ... n-son.html )

PS: ce qui explique que l'on flatte le medium dans la hi-fi grand public.....si j'ai bien compris...

Re: à propos de "Stanislas"

Publié : 15 mai 2016, 09:44
par gromer
A propos de synesthésie, et si ça vous dit de voir les sons, ou de les gouter, ou d'entendre les couleurs... essayez l'hyonose de rue.

http://street-hypnose.fr/hypnose-synesthesie-1/
http://street-hypnose.fr/hypnose-synesthesie-2/

Re: à propose de "Stanislas"

Publié : 15 mai 2016, 16:07
par vavou
simon cb a écrit :Salut. à l'époque de la grèce antique, on théorisait de façon plus ou moins heureuse sur tout. Y compris la musique : tel ton : ça nous donnera des générations d'homosexuels... Ce ton est bien pour faire la guerre
Hé ho les gârs !
dévoilez donc vos vos sources : Où se trouve les écrits qui disent que les grecs disaient des tons qu'ils feraient devenir Z'omosséssuel ? :shock:
Celui qui véhicule une idée si farfelue doit indiquer sa source. allez please. Pis des photo aussi :lol:
Parce que que des théories marrantes y'en a eu pleins mais celles là je n'en est jamais entendu parler ( on m'aurais caché des trucs !)

Je me souviens avoir assité à un cours autour de la musique médiévale et chant grégorien; où on nous parlait d'ouvrage de théorie musicale rédigé par des savants ecclésiastiques qui indiquaient que chaque notes faisait vibrer une partie de la boite crânienne. Ainsi le notes avait chacune une zone géographique définie sur notre tête. :rotate:
on a du essayer de ressentir ça...je me souviens surtout d'une franche rigolade....

au 15ème et au 16ème siècle il y a eu plein de théories marrantes aussi. L'harmonie des sphères, la révolution du Madrigal Italien( celle que sans le savoir nous appliquons toujours dans la chanson aujoud'hui )
Ce qui est certain c'est que lorsque vous jouez d'un instrument au tempérament inégal (ex:clavecin) les tonalités ont toutes une saveurs différentes. Et quelques une sont simplement injouables, parce trop bancales.
Notre tempérament égal, nous a éloigné de ça,exemple: le Fa M tonalité planante, dite pastorale. C 'est vrai avec certain tempérament inégaux le Fa m sonne bien fort, et plein .
le Do m tonalité douce et triste, le sol m complètement sombre. Le ré a été longtemps considéré comme une tonalité mineur des moins triste..etc... Les tonalités ne sortaient pas avec la même nuances (je parle bien de forte, piano etc...)
Il semble que toujours on ait lié musique et affects. C'est en tout cas une affaire qui nous occupe depuis le 17ème siècle.